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  • Photo du rédacteurClaire Honda

Les deux faces d'un même processus : Réflexions sur l'art et la science par Eden Redman

Eden Redman est inscrit au cours Convergence pour l'année universitaire 2023-2024. Il est étudiant en Master de neurosciences à McGill et a également une pratique artistique, ayant précédemment obtenu un baccalauréat en beaux-arts et en design. Sa biographie complète se trouve au bas de cette page. Je l'ai interviewé le 29 février 2024 pour connaître son expérience du cours et son point de vue sur l'art et la science.

 

 

Comment avez-vous commencé à vous intéresser au mélange de l'art et de la science ?

 

Je pense que mes intérêts artistiques et scientifiques sont apparus exactement au même moment, et donc dès le départ, ils étaient intégrés dans mon esprit. Je lisais des manuels de biologie à peu près au moment où j'ai commencé à peindre, à l'âge de 9 ou 10 ans. Je pense que la nature inquisitrice de l'art peut être similaire à celle de la recherche scientifique en particulier si l’approche consiste à utiliser l'art comme un moyen d'étudier et de représenter différents concepts du monde réel.

 

Intéressant, vous avez donc toujours eu l'impression qu'il y avait un lien entre les deux ?

 

Oui, du moins en ce qui me concerne. J'ai la conviction que si l'art est pratiqué correctement, il doit y avoir des parallèles avec la science.

 

Et en ce moment vous suivez la voie « scientifique » en poursuivant une maîtrise en neurosciences ?

 

Oui, je dirais que j’oscille entre des réflexions profondes dans l'art et dans la science. J'ai commencé par une licence en psychologie où j'ai fait de la recherche en neurosciences computationnelles, puis j'ai obtenu une licence en beaux-arts et en design. Mais tout au long de cette période j'ai un peu serpenté, intégrant l’art dans la science et la science dans l’art.

 

Pourquoi avez-vous choisi de suivre le cours Convergence ?

 

J'avais entendu dire que le cours en valait la pein. Je me suis alors dit que c'était une bonne opportunitée afin de mieux communiquer des concepts scientifiques et de trouver des sujets d'intérêt sur lesquels on peut s'appuyer pour converser avec des personnes plus strictement "artistiques". Le cours a également été l'occasion de raviver ma pratique artistique dans une certaine mesure et de me plonger davantage dans l'art technologique. Déjà, la plupart des sujets que j'explorais dans mon art étaient très ancrés dans la science ou dans l’exploration des enjeux éthiques d’aujourd'hui liés science et de son évolution. Il n'y avait pas beaucoup de pratiques artistiques des gens autour de moi qui convergeait vers cela.

 

À quoi ressemble votre pratique artistique ?

 

J'ai réalisé environ quatre corpus principaux de travaux au cours de mes études de premier cycle. À l'époque, je travaillais dans un laboratoire humide avec des souris. J'ai donc réalisé un ensemble d'aquarelles et de peintures acryliques liées à la chirurgie et à l'étude du soi par rapport aux systèmes cybernétiques. Il s'agissait en partie de communiquer à quel point la neuroscience est cool aux personnes qui n'ont aucune notion de ce domaine. Donc de voir comment les différentes illusions visuelles et conceptuelles se rapportent les unes aux autres et où le soi s'inscrit dans ce contexte - une sorte de "soi en tant qu'hallucination". J'ai également réalisé un ensemble de peintures à l'huile sur le thème du soi dans le cadre de la psychose. Ensuite, j'ai réalisé des travaux plus numériques, comme la réalité virtuelle, le suivi des yeux ou les signaux biologiques. J'ai aussi essayé d'inciter les gens à s'interroger sur les origines de leur conscience et sur la manière dont des aspects distincts de leur conscience peuvent être liés à des régions particulières du cerveau. J'essayais essentiellement de poser la question suivante : « Quelles sont les implications des neurosciences contemporaines sur la manière dont nous nous comprenons nous-mêmes ? ».

 

Vous trouverez des exemples du travail d'Eden à la fin de ce billet.

 

Cela donne à réfléchir. Y a-t-il quelque chose de particulièrement intéressant que vous ayez retenu du cours Convergence jusqu'à présent ?

 

Je trouve que les activités sont utiles pour stimuler la réflexion et l'exploration des pratiques à l'intersection des deux domaines.

 

Quel serait un exemple d'une de ces activités ?

 

Une activité consistait à explorer les métaphores comme moyen de communiquer un concept scientifique. C'était très utile pour essayer de communiquer des concepts scientifiques qui ne sont pas immédiatement intuitifs. Par exemple, mon groupe étudiait la zone entourant Tchernobyl et, à mesure que l'on se rapproche de Ground Zero, on observe une augmentation progressive de la mélanine, qui est un facteur de protection contre les rayonnements ionisants. J'ai vu dans ce gradient un paysage très riche en métaphores - par exemple, on pourrait faire correspondre le gradient à la politique de la région et à la façon dont il est gradué en fonction des différentes entités politiques. Dans l'ensemble, cette pratique consistant à appliquer des métaphores à des concepts scientifiques fondamentaux m'a été utile.

 

Avez-vous pensé à appliquer une métaphore à votre recherche actuelle ?

 

Oui, nous avons été encouragés à faire quelque chose de semblable avec le projet principal - au cours du deuxième trimestre, nous travaillons avec un groupe de personnes sur un projet qui implique des éléments de notre propre recherche - et j'ai donc pris une vision un peu plus large, en comparant le cerveau humain et ses différentes structures avec l'humanité et ses parties constitutives. On présente le cerveau et l'humanité comme des systèmes qui partagent beaucoup de dynamiques similaires, et donc si on observe un accident vasculaire cérébral dans le système d'un cerveau, quel serait l'analogue de cet accident dans le système de l'humanité ? C'est un peu métaphorique...

 

Intéressant. Cela change-t-il la façon dont vous envisagez votre recherche ?

 

Je pense que cela me donne un peu plus de conviction car c’est un défi d'établir des liens entre ces deux espaces... Nous existons entièrement dans des systèmes qui convergent vers des états stables, et s'en écarter afin d’essayer de changer nos systèmes d'être, c'est intrinsèquement un défi. Mais oui, je pense que cet espace conceptuel a suscité beaucoup d'intérêt chez moi, et pas seulement dans le cadre de mes propres recherches.

 

Quels types de défis avez-vous rencontrés en travaillant à l'intersection de l'art et de la science ?

 

Dans le cadre du cours, il semble que certains étudiants en art soient arrivés avec une idée préconçue de ce qu'est la science, et qu'ils aient parfois compartimenté les vérités scientifiques et les aient placées sur un pied d'égalité avec des vérités émotionnelles. C’était intéressant d'avoir l'occasion de s'engager avec eux tout en essayant de développer un vocabulaire commun et de comprendre leur point de vue. Les meilleurs moments que j'ai trouvés dans le cours sont ceux où l'on peut surmonter une première évaluation négative de ce dont on parle, et où l'on peut trouver les mots pour décrire un concept scientifique. Plus généralement, pour le meilleur et pour le pire, je pense que le monde de l'art-science est un microcosme de la polarisation qui émerge de plus en plus dans la société occidentale car l’art et la science sont deux systèmes de pensée très différents. Toutefois, je pense que ce sont deux faces d'un même processus. J’espere voir à terme une plus grande partie de la société évoluer vers cette perspective.

 

Où vous voyez-vous à l'avenir en tant qu'artiste-scientifique ?

J'aimerais arriver à un point où je pourrais travailler en studio. C'est un peu difficile à gérer lorsqu'on est étudiant en recherche neuroscientifique et qu'on doit concilier vie professionnelle et vie privée. Je suis un peu déchiré parce que je ne suis pas vraiment fan de l'art trop grand public, mais je l'aime dans la mesure où il peut susciter des réflexions et des innovations qui, autrement, n'auraient pas eu lieu. Je pense donc que, quoi que je fasse, j'essaierai de continuer à créer une communauté dans ce domaine. Je ne serais pas contre l'idée d'essayer de créer un groupe similaire en Alberta, car c'est là que sont mes racines.

 

C'est génial. Avez-vous des conseils à donner aux étudiants qui souhaitent combiner les pratiques artistiques et scientifiques ?

 

Je pense qu'un aspect négligé de la question est l'acquisition d'un certain niveau de compétence - pas nécessairement une expertise, mais une compétence dans un médium artistique qui n'est pas numérique. C'est peut-être dû à mes origines peu technologiques, mais je pense qu'avoir quelque chose de physique et être capable de le manipuler dans le monde réel, physiquement, devrait faire partie de votre répertoire. Si vous êtes un scientifique et que vous ne savez pas comment utiliser efficacement un médium, vous êtes limité dans ce que vous pouvez sortir de votre cerveau et visualiser. Cela dit, si vous êtes du côté de l'art et que vous voulez être fidèle aux concepts scientifiques que vous essayez de communiquer, vous pouvez comprendre les choses jusqu'à un certain point dans l'allégorie et l'abstraction. Cependant, vous devriez être capable de lire des graphiques en rapport avec le concept dont vous parlez. Il faut donc être rigoureux, tant dans la méthodologie de l'art que dans celle de la science, et c'est ce qui devrait être à la base des travaux art-science.

 

 

Exemples d'Å“uvres d'art d'Eden :

 

Processeur surréaliste

Aquarelle et acrylique sur somerset texturé à double épaisseur 22⅛" par 24½".

Explorant la fausse dichotomie de l'esprit et du corps, ici les deux sont traités comme des parties égales d'un système intégré et réciproque. Témoin du spectre des éléments inconscients auxquels nous sommes tous liés, j'examine comment ils interagissent spontanément avec les éléments conscients. En explorant la difficulté inhérente à la simple définition du point où l'inconscient donne naissance au conscient, je me demande si la conscience elle-même est illusoire.

 

Montagnes liquides

Aquarelle et pigment sur somerset double poids 22¼" par 29¾".

Le vide de la cave sombre invoque une préoccupation pour les questions existentielles intangibles. Le tracé constant des formes spontanées commente le besoin humain de tout catégoriser dans un univers indifférent.



La réalité comme hallucination collective

Aquarelle et liner pigmentaire sur somerset texturé à double grammage 22⅜" par 30".

Une forme de cerveau désincarné agit comme un point focal d'espace négatif dans une scène chaotique et légèrement dérangeante. Des tentacules sondent le cerveau, apparaissant à la fois comme une source de subsistance dans un décor turbulent et comme une contrainte à la liberté. La déconnexion de la forme cérébrale du corps suggère une inconscience de la distance qui nous sépare de la réalité. Elle suggère que la réalité n'est que l'appréciation collective de la majorité.

 

 

Biographie :

Né à Edmonton (Alberta) en 1996, Eden Redman a vécu dans les régions rurales de la Saskatchewan et dans les régions urbaines de l'Alberta pendant près d'une décennie chacune. La perte de deux membres de sa famille immédiate ayant marqué ses débuts, sa fascination pour les expériences de ses amis et de sa famille restante continue de croître et d'informer sa pratique. Les problèmes de santé mentale qu'ils ont rencontrés par la suite l'ont incité à chercher à mieux comprendre l'esprit humain tout au long de sa vie. Chercheur en neurosciences attentionnelles, Eden décrit son processus artistique comme "une recherche sur soi à la croisée de la connaissance scientifique et de la recherche philosophique basée sur l'art".

Ses œuvres artistiques ayant été décrites comme "vaguement diagrammatiques", Eden s'oriente vers la peinture dans des styles semi-abstraits et abstraits, travaillant à l'encre, à l'aquarelle, à l'acrylique et à l'huile. Des thèmes récurrents de tension, allant de l'entropie à la complexité, en passant par l'équilibre et le déséquilibre, évoquent une présentation méthodique, presque formelle, de chaque œuvre. En explorant les caractéristiques de la maladie mentale, Eden entre en contact avec les idées d'autonomie, de libre arbitre et de malléabilité de l'expérience et de la perception.


Eden cherche à combler le fossé entre les communautés artistiques et scientifiques, généralement disparates, dans son œuvre et au-delà, tout en mettant à profit sa passion pour l'élaboration et la conduite d'initiatives percutantes. En tant que directeur exécutif de NeurAlbertaTech et directeur de la stratégie d'Edmonton pour NeuroNexus (2020), Eden s'est imposé comme un chef de file dans le domaine de l'innovation en neurotechnologie appliquée dans l'Ouest canadien, favorisant la collaboration interdisciplinaire en Alberta et au-delà.

 

Site personnel - https://www.edenredman.me

 

 

 

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