Par Éva Nkurunziza
Caroline Laurin-Beaucage est professeure à l’Université Concordia, où elle partage sa passion et ses connaissances techniques en danse contemporaine avec ces étudiants. Elle est également une interprète talentueuse et une chorégraphe ingénieuse. Laurin-Beaucage opère à l’intersection entre l’art et la science. Son parcours a débuté lorsqu’elle a reçu le diagnostic d’une déficience visuelle neurologique. Elle était déterminée à comprendre son propre diagnostic. Sa recherche a déclenché quelque chose en elle qui l’a motivé à acquérir une compréhension plus profonde des mécanismes du système nerveux. Son intérêt initial pour le système visuel a pris de l’amplitude graduellement et elle l’applique à son travail.
Le parcours de Caroline Laurin-Beaucage inclut sa participation à la série de conférences Art-Sci Sci-Art de l’initiative Convergence. Le 8 mars, elle a présenté Looking Inside to Unfold à l’Hôpital général de Montréal. Caroline a décortiqué son processus créatif pour l’auditoire. Elle a parlé de Ground qui est le résultat d’une collaboration entre L’Organisme et Montréal Danse. Laurin-Beaucage est la fondatrice de l’Organisme, une plateforme qui permet aux chorégraphes de partager leur créativité et leurs ressources afin de produire des œuvres collaboratives. La pièce Ground est performée par cinq danseurs alignés sur des mini-trampolines qui font face au public. La chorégraphe a décrit sa décision de passer d’une installation complexe à minimaliste. Le but était de mettre l’emphase sur les éléments centraux de la pièce afin d’offrir une expérience enrichissante à l’auditoire. Présenter au public ce qui a été imaginé par Laurin-Beaucage était une épreuve physique et psychologique pour les interprètes qui s’est traduit en une œuvre envoutante et complexe.
Cycles
Le rythme circadien, également nommé l’horloge biologique, a grandement inspiré Laurin-Beaucage lorsqu’elle a créé la chorégraphie de Ground. La région du cerveau qui gère cette horloge est nommé le noyau suprachiasmatique (NSC). L’ensemble du système est un cadeau et une malédiction pour l’espèce humaine. Il nous permet de nous réveiller naturellement à la bonne heure lorsqu’on oublie de mettre une alarme. Il rend aussi difficiles les premiers jours de voyage dans un nouveau fuseau horaire. Dans des conditions normales, l’horloge biologique maintient une nature cyclique monotone. La fonction du NSC a inspiré Laurin-Beaucage à concevoir une chorégraphie qui retient une séquence de mouvements répétitifs, mais qui réussit à échapper à la monotonie. La chorégraphie de Ground inclut une série de mouvements du haut du corps qui s’ajoute au movement vertical créé par le rebondissement. La nature cyclique de la chorégraphie n’a pas empêché les interprètes de faire preuve d’individualité malgré l’épuisement causé par la longueur de la présentation.
Synchronie
Caroline Laurin-Beaucage a créée une chorégraphie qui demande aux interprètes de synchroniser leurs mouvements en se fiant à leur vision périphérique. Elle s’est basée sur notre habilité innée pour la synchronisation et pour refléter les mouvements de personnes dans notre entourage. Indirectement, la chorégraphe a referré aux neurones miroirs. Ces cellules nerveuses sont potentiellement la raison pour laquelle voir quelqu’un bâiller peut nous faire bâiller à notre tour. La communauté scientifique tente encore de percer le mystère des neurones miroirs. Plusieurs théories attribuent notre capacité à synchroniser et à imiter les mouvements des autres aux neurones miroirs. Les interprètes de Ground se sont soumis à un entraînement ardu afin de maîtriser l’habilité de se synchroniser sans être capables de bien voir leurs collègues sur scène. Laurin-Beaucage a supposé à juste titre que la combinaison de leur prédisposition biologique à la synchronie et l’entraînement ont permis aux interprètes d’incarner sa vision.
Arts & Science
La conférencière a majoritairement entrepris seule la partie de son projet qui consistait à faire de la recherche scientifique. Elle a été transparente à propos du défi que cela représente pour des personnes qui n’ont pas de formation scientifique théorique et d’expérience en recherche scientifique formelle. Un membre du public lui a demandé de partager ses secrets pour naviguer le jargon scientifique. Cette question souligne la raison d’être d’un organisme tel que l’initiative Convergence, qui assiste les étudiants qui désirent se lancer dans des carrières professionnelles où l’art et les sciences interagissent. Laurin-Beaucage a répondu que la persévérance et le courage d’affronter la possibilité de faire des erreurs sont les clés du succès. La combinaison de sa curiosité scientifique, de son esprit artistique, ainsi que sa détermination et son intrépidité sont les éléments qui ont permis à Caroline Laurin-Beaucage de concevoir une pièce aussi fascinante que Ground.
Rédaction: Nicole Avakyan
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