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Nicole Avakyan

Synapse, ou comment interpréter les connections accidentelles

Par Andrée Lessard


Avez-vous déjà eu cet étrange sentiment de rencontrer quelqu’un par hazard pour ensuite réaliser qu’il existe une connexion, que cette rencontre est tout à fait logique? Mais pourquoi? La neuroscientifique en moi dirait que c’est principalement parque-que c’est exactement la façon dont le cerveau fonctionne : en créant des connections chimique et électriques entre les régions cérébrales. La résultante, c’est ce réseau complexe qui forme nos idées qui à leur tour forment la source de nos courants de pensée. La philosophe en moi se questionne : mais comment et pourquoi maintenant?


J’ai rencontré Maria Ezcurra dans un contexte totalement non-relié aux neurosciences. Un changement de carrière m’a amené des neurosciences à la gestion d’un réseau scientifique en santé buccodentaire et osseuse. J’ai demandé cet entretien pour recevoir des conseils sur les processus d’embauche d’un artiste en résidence pour une nouvelle initiative de notre réseau. Maria est responsable de l’initiative Art Hive de la Faculté d’Éducation de McGill. Le projet vise à apporter un espace de création pour quiconque souhaiterait recharger son esprit par l’entremise des arts. L’endroit est vaste, accueillant, paisible; un peu à l’image de la personnalité calme de Maria!


À ma grande surprise, j’apprends qu’elle lance une exposition nommée “Synapse”! Provenant du mot grec Sinapsis, le mot synapse veut dire « conjonction » (syn= ensemble et haptein= attacher). Dans le domaine des neurosciences, les synapses indiquent l’endroit précis où les interactions neuronales se produisent. En utilisant le nylon comme matériel de base, elle incorpore plusieurs concepts passant de la transmission neuronale à la sociologie, la culture, la mémoire collective et les standards de genre. Lors de son vernissage le 31 janvier dernier, je lui ai demandé comment elle s’est intéressée aux neurosciences et ce qu’elle connait de ce domaine : « À peu près rien! », s’exclame-t-elle. « Le projet est né de façon accidentelle. J’adore travailler avec le nylon. Ce matériel possède des propriétés solides et fragiles à la fois. Pour moi, il représente une certaine résilience. Je le perçois presque comme organique ».

Gros plans de l'oeuvre Synapse de Maria Ezcurra. Crédit: Andrée Lessard


Le nylon, songeais-je, le tissu typiquement féminin. Est-ce que votre œuvre s’apparente au cerveau féminin? « Pas exactement », ajoute-elle, « le nylon représente pour moi une forme de restriction, pas violente, plutôt comme une soumission à des standards sociaux. Une répression imposée par les femmes elles-mêmes. Comme porter des souliers à talons hauts par exemple ».


Maria raconte : « J’ai commencé à assembler les morceaux de nylon, pour réaliser par la suite que les pièces se sont montées presque par elles-mêmes. Le résultat m’a époustouflée : le tout prenait place d’une façon exquisément harmonieuse, cohérente. Lors de l’installation, j’avais en tête d’exposer des connections non seulement physiques et spatiales, mais aussi émotionnelles, spirituelles et intellectuelles. »


En observant son œuvre, je comprends tout à fait ce qu’elle veut dire. Je suis en très bonne compagnie avec Amy, une étudiante graduée en éducation des sciences, et Roméo, un artiste. En discutant de l’œuvre, nous avons tous le même sentiment que les bouts de nylon reliés nous font penser à des gens de différents milieux. En effet, le matériel sombre et pale se fond à merveille. De plus, les jeux d’ombre se joignent magnifiquement avec les matériaux exposés, suggérant ainsi un réseau virtuel parallèle à la réalité. Notre discussion se tourne vers les bénéfices d’une société socioculturelle diversifiée, et de l’influence grandissante des médias sociaux sur les citoyens. L’œuvre de Maria nous relie tel un réseau, ou une forme de mémoire collective.

Gros plans de l'oeuvre Synapse de Maria Ezcurra. Crédit: Andrée Lessard



Je remarque aussi la forme pyramidale du nylon qui ressemble curieusement aux neurones corticales excitatrices telles que dessinées par Ramon y Cajal au début du vingtième siècle. C’est fascinant de constater que Maria a assemblé son matériel en y donnant une morphologie réaliste bien qu’elle n’ait jamais étudié les neurosciences.


Ces pensées m’amènent à cette question: comment a-t-elle pu créer quelque chose d’aussi représentatif par pur accident? Les artistes ne cesseront jamais de me surprendre!


“Synapse” est exposé à la Maison de la culture Notre-Dame-De-Grâce jusqu’au 10 mars 2019.




Rédaction: Nicole Avakyan

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